L’œuf d’aigle

L’aigle des basses-cours

Un homme trouva un œuf d’aigle et le plaça dans un poulailler.

L’aiglon vint au monde avec une couvée de poussins et poursuivit sa croissance avec eux.

Se prenant pour un poulet, l’aigle ne cessa d’imiter le comportement des gallinacés qui l’entouraient.

Il grattait la terre afin d’y trouver des vers et des insectes.

Il gloussait et caquetait.

Il battait des ailes ne s’élevant qu’à quelques centimètres du sol.

Les années passèrent et l’aigle devint très vieux.

Un jour il aperçut, volant dans le ciel sans nuages, un magnifique oiseau.

Avec une grâce majestueuse, ce dernier se laissait porter par les courants, agitant à peine ses puissantes ailes dorées.

Le vieil aigle le regardait, émerveillé :

Quel est cet oiseau ? demanda-t-il.

C’est l’aigle, le roi des oiseaux, lui répondit un de ses compagnons.

Il appartient au ciel.

Nous, nous appartenons à la terre – nous sommes des poulets.

C’est ainsi que l’aigle, dans la certitude qu’il avait d’appartenir à la basse-cour, vécut et mourut en poulet.

Quand la conscience s’éveille

Anthony de Mello

Ne change pas !

Ne change pas !

J’ai été névrosé pendant plusieurs années.

J’étais plein d’angoisses, déprimé et égoïste.

Et tout le monde me répétait de changer.

J’en ai voulu à tout le monde,

puis je suis tombé d’accord avec tout le monde,

et j’ai pris la résolution de changer,

mais je n’y parvenais pas, quels que fussent mes efforts.

Ce qui me blessa le plus fut le fait que mon meilleur ami, lui aussi, insistait pour que je change.

Et je me sentis démuni et pris au piège.

Mais un jour il me dit :

« Ne change pas. Je t’aime comme tu es. »

Ces paroles résonnèrent comme une musique à mes oreilles :

« Ne change pas… Ne change pas… Ne change pas… Je t’aime… ».

Je me détendis. Je repris vie. Puis, ô merveille, je changeai !

Comme un chant d’oiseau

Anthony de Mello

S’éveiller

Jaime

 

L’année dernière, j’ai entendu cette histoire sur une chaîne de télévision espagnole :

un monsieur frappe à la porte de son fils.

« Jaime », dit-il, « réveille-toi ! »

« Je ne veux pas me lever, Papa », répond Jaime.

Alors le père crie : « Lève-toi, tu dois aller à l’école ».

A quoi Jaime réplique : « Je ne veux pas aller à l’école. »

« Pourquoi ? » demande le père.

« Pour trois raisons, » dit Jaime.

« Un : l’école m’ennuie ; deux : les élèves me tourmentent ; trois : je déteste l’école. »

« Eh bien », dit le père, « je vais, moi, te donner trois raisons pour lesquelles tu dois aller à l’école.

Un : c’est ton devoir d’y aller ; deux : tu as quarante-cinq ans ; trois : tu es le maître d’école. »

Quand la conscience s’éveille

Anthony de Mello

Le bonheur

Le bonheur

 

 

« Il me faut absolument de l’aide, sinon je vais perdre la tête.

Nous habitons dans une seule chambre, ma femme, mes enfants et mes beaux-parents !

Résultat : nous avons tous les nerfs à vif, nous n’arrêtons pas de nous disputer.

C’est l’enfer.

Tu me promets de faire ce que je te dis ? dit gravement le Maître.

Je jure que je ferai tout ce que vous me dites.

Très bien. Combien d’animaux avez-vous ?

Une vache, une chèvre et six poules.

Mets-les aussi dans la chambre.

Puis reviens me voir dans une semaine. »

Le disciple est consterné. Mais il a promis d’obéir au Maître.

Il fait donc entrer les animaux dans la petite pièce.

Une semaine plus tard, comme convenu, il va voir le Maître.

Il fait vraiment triste figure.

« J’ai les nerfs à bout ! La saleté ! L’odeur ! Le bruit !

Nous allons tous devenir fous !

Rentre chez toi, ordonne le Maître, et mets les animaux dehors. »

L’homme court chez lui et fait ce que lui a dit le Maître.

Puis il revient le voir le lendemain, les yeux pétillants de joie.

« Que la vie est belle ! Les animaux sont partis.

Notre appartement est un paradis : c’est si tranquille, si propre, si spacieux ! »

 

Une minute de sagesse

Anthony de Mello

Le chant des oiseaux

Le chant des oiseaux

Les disciples firent beaucoup de questions sur Dieu.

Le Maître dit, « Dieu est inconnu, l’Inconnaissable.

Toute déclaration sur Lui, toutes les réponses à vos questions,
est une déformation de la vérité ».

Les disciples furent désorientés.

« Alors, pourquoi vous parlez de Lui ? »

« Pourquoi l’oiseau chante ? », dit le maître.

Non pas parce qu’il a une déclaration, mais parce qu’il a une chanson.

Les mots de l’érudit sont pour être compris.

Les mots du maître ne doivent pas être compris.

Ils doivent être entendus

comme on écoute le vent dans les arbres

et le murmure de la rivière

et le chant de l’oiseau.

Ils réveilleront dans le cœur quelque chose qui dépasse toute connaissance.

Comme un chant d’oiseau

Anthony de Mello

Quand la conscience s’éveille

Le clochard londonien

 

 

Un clochard londonien cherche un endroit où passer la nuit.

Il a dû se contenter d’un croûton de pain en guise de repas.

Il arrive sur une des berges de la Tamise.

Comme il tombe un léger grésil, il s’enveloppe soigneusement dans son manteau loqueteux.

Au moment où il est sur le point de s’endormir, une Rolls Royce s’arrête.

Une belle jeune femme en descend et lui dit :

Mon pauvre homme, allez-vous vraiment passer la nuit sur la berge ?

Oui, répond le clochard.

Je ne puis supporter cela. Je vais vous emmener chez moi, où vous passerez la nuit confortablement après avoir pris un bon dîner.

La jeune femme presse le clochard de monter dans la voiture.

Ils sortent de Londres et arrivent devant une immense résidence entourée de jardins.

Un majordome leur ouvre la porte et la jeune femme lui dit :

James, je compte sur vous pour installer cet homme dans le quartier des domestiques.

Veillez à ce qu’il soit bien traité. Ce que fait James.

Quelque temps après, la jeune femme, déshabillée et prête à se mettre au lit, se souvient soudain de son invité.

Elle enfile une robe de chambre et emprunte un corridor pour se rendre au quartier des domestiques.

Voyant passer un rai de lumière sous la porte de la chambre dans laquelle le clochard a été installé, elle frappe, entre et trouve l’homme éveillé.

Que se passe-t-il brave homme, n’avez-vous pas reçu un bon repas ?

 Je n’ai jamais fait de meilleur repas de toute ma vie madame.

Avez-vous assez chaud ?

Oui, le lit est chaud et confortable.

Peut-être avez-vous besoin de compagnie.

Pourquoi ne me feriez vous pas une petite place ?

Sur ces mots, elle s’approche de lui.

Alors l’homme recule pour lui faire une place et tombe dans la Tamise.

 

Quand la conscience s’éveille

Anthony de Mello